Projets partenariaux en cours

Collectivités territoriales et gestion de l’eau en Méditerranée.

La Journée des collectivités méditerranéennes se tiendra à Marseille en avril prochain

Le réchauffement climatique global devrait dépasser 1,5 °C dès 2030 et atteindre entre +2 et +2,2°C dès 2040 sur la zone Méditerranée. Devenus de véritables enjeux de sécurité et de santé publique, les aléas climatiques (sécheresses, vagues de chaleur, inondations, incendies, tempêtes, etc.) ravagent les écosystèmes et fragilisent les sociétés. Dans tout le pourtour méditerranéen, le changement climatique, en provoquant une augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses et des précipitations extrêmes, accélère la dégradation des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Le constat est unanime sur le risque de répétition de ces évènements dans le temps, comme cela est clairement apparu dans les conclusions du 5ème Forum méditerranéen de l’Eau de Tunis, co-organisé par l’Institut Méditerranéen de l’Eau, l’Union pour la Méditerranée et le Gouvernement tunisien, du 5 au 7 février 2024.

Il est donc essentiel d’agir au plus vite pour préserver la ressource. Faute d’anticipation, les conséquences sur le système économique et sur la qualité de vie deviendront incontrôlables. Dans la gestion des conséquences de l’impact du changement climatique sur le cycle de l’eau, les politiques publiques ont un rôle majeur à jouer : l’aménagement du territoire, la sobriété ou non des usages, l’irrigation agricole, l’imperméabilisation, l’appauvrissement des sols, la pollution ainsi que la dégradation des écosystèmes aquatiques affectent profondément la circulation hydrologique. La raréfaction de l’eau menace en retour les activités humaines, qu’elles portent sur la satisfaction des besoins vitaux d’une population en constante augmentation et aspirant à une meilleure qualité de vie, la production agricole, la production industrielle, le développement du tourisme ou la production énergétique.

Si les politiques nationales s’organisent, essentiellement sur le plan réglementaire, la résilience de chaque territoire leur offrant la possibilité de se transformer pour anticiper les crises et mieux les affronter, est devenu un objectif prioritaire des politiques locales. De même, parallèlement aux interventions de grande envergure sur le plan des infrastructures qui relèvent généralement de la compétence des gouvernements nationaux, les stratégies de gestion de la demande et de l’offre en eau doivent être conçues en coopération avec les collectivités territoriales.

Ces dernières devraient également promouvoir leurs propres instruments de gestion de la demande, tels que les systèmes de mesure, les incitations à adopter des systèmes de réutilisation des eaux usées domestiques, les améliorations de réseaux, les tarifs par tranches, les impôts locaux ou encore les instruments fiscaux frappant la production d’eaux usées pour permettre leur traitement, tendre vers un usage toujours plus efficace et garantir le respect du principe du “pollueur payeur”. Dans l’élaboration de ces stratégies, il convient de prêter attention à l’importance que revêt, dans certaines régions, l’utilisation de systèmes traditionnels de gestion de l’eau, qui constituent souvent un patrimoine culturel et technologique précieux, à préserver.

La responsabilité de chaque territoire consiste dès à présent à travailler pour associer étroitement adaptation et atténuation afin de ralentir, autant que possible, l’effet très concret du réchauffement. Cette résilience, qui implique plus de coopération et de solidarité au sein du territoire, comme entre les territoires, qui peut devenir un projet commun fédérateur et enthousiasmant pour les concitoyens devrait concourir à améliorer la sécurité, mais aussi la qualité de vie et le bien-être des habitants.

Depuis plusieurs années maintenant, les travaux du Conseil mondial de l’eau ont grandement contribué à faire avancer la réflexion sur le rôle des collectivités territoriales : en 2006, le Conseil examine ainsi la « bonne gouvernance » de l’eau à travers la question « Qu’est-ce qu’une action locale ? (…) L’objectif principal d’une action locale est de chercher des options pour le développement local d’une communauté ou d’une région, sans compromettre la préservation de l’éco-système local. L’échelle de l’action dépend de l’échelle du problème à gérer et est l’échelle à laquelle une solution transparente a été trouvée pour une meilleure gestion des ressources en eau (…) ».

Pour compléter ce point, c’est lors du 5° Forum mondial de l’eau en 2009 que les collectivités locales ont adopté le Pacte d’Istanbul pour l’eau, dans lequel elles s’engagent à optimiser les systèmes de gestion de l’eau et à les adapter aux défis mondiaux, en identifiant ces défis, en élaborant des plans d’adaptation, et en établissant des objectifs spécifiques.

 

LE POINT DE VUE DE LA MEDITERRANEE : UNE PERSPECTIVE PRESSANTE

Dans cette zone géographique caractérisée par une démographie croissante, un développement économique pesant sur les ressources naturelles et une urbanisation littorale aggravée par la forte fréquentation touristique estivale, la perspective méditerranéenne concernant la ressource en eau est très peu favorable. Marquée par une inégale répartition et des pressions croissantes, il est rappelé[1] que trois pays, la France, l’Italie et la Turquie reçoivent la moitié du total des précipitations, tandis que les pays du Sud n’en capitalisent qu’un dixième. Dans certains pays comme l’Egypte, Israël ou Malte, les prélèvements en eau avoisinent ou excèdent le volume annuel moyen des ressources naturelles renouvelables avec un indice parfois supérieur à 80 %.

Trois repères[2] caractérisent la relation des populations avec la ressource en eau en zone Méditerranée :

  • la zone rassemble 60 % de la population mondiale dite « pauvre en eau », disposant globalement de moins de 1000 m3/hab/an[3];
  • 80 millions de Méditerranéens seront en situation de « pénurie » (moins de 500 m3/hab/an) dès l’année prochaine (2025) ;
  • 20 millions de Méditerranéens restent sans accès à l’eau potable, notamment dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée

De plus en plus caractérisé par une vulnérabilité grandissante aux changements environnementaux, le cycle de l’eau en région méditerranéenne peut conduire à une large palette de risques naturels parmi lesquels figurent les fortes précipitations et les crues-éclair en automne, les dépressions intenses associées à de forts vents et de grosses houles en hiver et les vagues de chaleurs et sécheresses accompagnées de feux de forêts en été. Gérer l’eau reste un défi récurrent à l’échelle de la Méditerranée, qu’il s’agisse des usages agricoles de la ressource, de l’accès à l’eau potable, des effets du réchauffement global, de vulnérabilités particulières tel que le développement économique, l’envolée touristique ou les modifications d’usages des populations. Une « stratégie pour l’eau en Méditerranée » pourrait constituer le pilier structurant d’une politique régionale intégrée et de la coopération interétatique. Cette notion est notamment portée par l’UpM depuis sa création et régulièrement reprise depuis.

[1] https://planbleu.org/page-theme/eau/

[2] Source : Plan Bleu

[3] Selon la même source, « (…) les populations méditerranéennes « pauvres en eau », sous le seuil de 1000 m3 par habitant par an, devraient passer de 180 millions de personnes aujourd’hui à plus de 250 millions dans les 20 ans. »

Un rapport de l’ARLEM[1] (2011) confirme que les collectivités locales méditerranéennes jouent un rôle de plus en plus actif dans l’approvisionnement en eau, les services d’assainissement et la lutte contre les mauvaises pratiques et l’usage inefficace de l’eau. A cet égard, la mise en place de la stratégie pour l’eau en Méditerranée doit être guidée par une approche intégrée des ressources hydriques, en s’assurant que les mesures prises associeront toutes les politiques sectorielles (environnement, transports, énergie, agriculture, etc.), tous les acteurs concernés aux différents niveaux de décision. Cette approche doit :

  • comprendre la gestion de l’offre comme celle de la demande en prenant soin de revisiter les usages ;
  • développer des mesures structurelles -> mise en place d’améliorations technologiques, nouvelles infrastructures et modernisation des infrastructures existantes, notamment pour améliorer la performance des services et soutenir les opérateurs ;
  • mettre en œuvre des actions non structurelles -> réglementations, systèmes d’incitations financières, mécanismes institutionnels… ;
  • être attentive tant aux aspects quantitatifs que qualitatifs des ressources hydriques -> qualité environnementale, rareté, efficacité, inondations, sécheresses ou changement climatique ;
  • répondre aux spécificités de chaque territoire en définissant des plans et des stratégies assurant la participation des collectivités territoriales ;
  • garantir, à travers la participation directe des collectivités territoriales, la viabilité, la rentabilité et les gains sociaux et environnementaux de ces plans et stratégies.

L’expertise développée par le niveau local l’invite naturellement à mettre en œuvre les mesures de niveau infranational permettant d’améliorer la résilience des systèmes de ressources hydriques face aux sécheresses et au changement climatique, à réduire les risques d’inondations grâce à la veille sur les infrastructures et les propositions relatives à l’aménagement du territoire, à protéger tant les eaux de surface que les eaux souterraines et à fournir, à tous les niveaux, une gestion intégrée, décentralisée et participative non seulement de l’eau, mais aussi des écosystèmes et des ressources naturelles connexes.

De plus en plus de collectivités françaises prennent la mesure de leur responsabilité territoriale concernant l’animation du réseau des acteurs en charge de la gestion de la ressource. C’est le cas de la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a organisé à plusieurs reprises ses « Etats régionaux de l’Eau », directement animés par le Président Muselier, en présence de l’Agence de l’Eau, de la Generalitat de Catalogne, du Président du CME, des CEO de Veolia et Suez,…

De la même façon, ces territoires pilotes s’engagent dans des actions de solidarité intra-méditerranéenne, à l’instar la région Occitanie qui, associée au département de l’Aude et à Montpellier Méditerranée Métropole, a animé en 2022 et 2023 un programme d’échanges avec des partenaires palestiniens et marocains afin de travailler à une gestion intégrée et durable de la ressource en eau dans le bassin méditerranéen.

Ces actions sont particulièrement opportunes en ce qu’elles organisent des dynamiques territoriales multi-acteurs en Méditerranée, impliquant les collectivités et des organisations de la société civile, des entreprises et des startups, les milieux universitaires et les étudiants.

[1] Assemblée Régionale et Locale Euro-Méditerranéenne

PORTER LA PAROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES MEDITERRANENNES

La participation des collectivités territoriales méditerranéennes dans la gestion des ressources hydriques relève donc de l’évidence. Pour cette raison, les événements internationaux entendent laisser à ces acteurs une tribune permettant de faire connaitre leurs expertises, leurs processus de coopération, leurs attentes et les voies d’amélioration qu’ils ont identifiées, notamment dans le cadre de leur relation avec les pouvoirs publics centralisés.

Le prochain Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Bali en mai 2024 est organisé selon trois processus : le thématique, le régional (le processus régional méditerranéen est porté par l’IME) et le politique. Au croisement de ces deux derniers, se trouvent ces acteurs singuliers que sont les collectivités territoriales méditerranéennes. A cet égard et dans le cadre du Forum, il est fondamental de favoriser le relais de la parole de ces acteurs.

Pour cela, l’AVITEM, en lien avec l’Institut Méditerranéen de l’Eau, la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et le département de l’Aude organise une Journée des collectivités territoriales méditerranéennes dans le cadre de leur responsabilité de la gestion locale des ressources en eau afin qu’il en résulte une déclaration à porter à Bali.

Cet événement se tiendra à Marseille à une date restant encore à définir. 

Cette journée pourrait se conclure par l’adoption d’une déclaration commune qui serait relayée par l’IME au Forum de Bali. Notre vision prospective de cette journée nous invite à proposer trois sessions qui se tiendraient entre les déclarations politiques d’ouverture et la conclusion rappelant la déclaration commune :

1/ Impact du changement climatique sur la ressource hydrique : processus d’adaptation et d’atténuation infranationaux ;

2/ Ressources, solidarités, innovations et transferts tant financiers que d’expertise : mise en avant de la coopération infra-méditerranéenne, notamment décentralisée, et des échanges de savoirs entre collectivités territoriales méditerranéennes ;

3/ REUSE, renaturation et territoires verts : exemples d’actions locales et transpositions territoriales

Les participants identifiés sont des collectivités territoriales méditerranéennes : régions, conseils provinciaux, comités de bassins, agences de l’eau, départements, provinces, syndicats et communautés ad hoc, villes et communes. Pour confirmer les expertises et favoriser les échanges de savoirs, il nous semble essentiel de convier également des experts, chercheurs et universitaires.