L’AVITEM – COP22 située à Antalya – déroulé de notre semaine -déc 2021
1er jour – 7 décembre 2021
En cette matinée d’ouverture de la vingt-deuxième réunion des Parties contractantes à la Convention de Barcelone située à Antalya (COP 22), c’est M. Carlo Zaghi, Président du Bureau, qui s’est exprimé en premier lieu. Se sont ensuite succédés sur l’estrade de la plénière, M. Murat Kurum, Ministre de l’Environnement, de l’Urbanisme et du Changement climatique de la République de Turquie, pays hôte de cet événement, Kerstin Stendhal, Chef du Service de l’intégration des écosystèmes du PNUE, et Tatjana Hema, Coordinatrice PNUE/PAM.
Suite à cette épisode introductif, l’élection des membres du bureau s’est tenue. La Turquie a été nommée à la présidence, l’Espagne, la Libye, la Slovénie et la Tunisie se partageant la vice- présidence.
L’ordre du jour et le calendrier de cette semaine d’échanges ont ensuite été commentés et soumis à l’analyse des délégations présentes. Il s’agissait également d’introduire les éléments nécessitant des groupes de travail pour pouvoir être décidés avant la fin de l’événement, à savoir la déclaration et le budget. Enfin Mme Tatjana Hema a présenté l’ensemble des programmes composant l’activité du PNUE/PAM et a délivré quelques éléments prévisionnels concernant notamment le budget pour la période 2022-2023.
Les mots d’ordre de cette première matinée, qui devait permettre de lancer les échanges de la semaine, concernait le passage à l’action concrète, la promotion d’une stratégie de moyen- terme avec la prééminence des impacts attendus comme caractéristique centrale, la nécessité de renforcer le suivi par indicateurs ainsi que le cadre juridique, la volonté de décloisonner l’action et de valoriser la planification intersectorielle et inter-institutionelle.
Dans la lignée de ces convictions, la Méditerranée en tant que bien commun et objet de coopération, constitue la ligne directrice de cet événement biennal.
L’après-midi a été dédiée à l’examen d’un certain nombre de points plus précis, avec en premier lieu la Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable (SMDD), dans sa perspective 2022-2027. Ce sujet, de premier abord très consensuel, n’a pas suscité de contradictions.
Ce n’est pas le cas pour les points suivants, touchant notamment au Comité de Respect des Obligations à la Convention de Barcelone et de ses protocoles. Pour rappel, ce Comité travaille sur les obligations qui s’imposent aux Etats en région méditerranéenne. Nous avons noté la réserve de l’Union Européenne qui n’a pas souscrit aux conclusions de la rapportrice,
demandant de nouvelles discussions et l’insertion de nouveaux membres à ce Comité. En revanche, Israël a fait part d’une très forte réserve sur ces conclusions et a demandé le report a la COP 23 de leur validation.
Si le sujet de la gouvernance n’a pas apparemment posé de difficultés (l’AVITEM est donc tacitement reconduite pour une période de 2 ans dans le Groupe des Autorités locales), cela n’a pas été le cas concernant les études d’évaluation. Pour mémoire, celles-ci se détaillent en apports techniques d’une part, en conclusions politiques d’autre part. Le sujet relatif aux stations d’épurations urbaines notamment, a vu s’opposer Israël et les pays arabes (Liban, Maroc, Tunisie) sur les mesures à adopter et leurs dates butoirs. Si l’importance des soutiens financiers, notamment ceux de l’UE, ont été relevés par le Liban et la Turquie, la question a été laissée en suspens pour une négociation qui devrait se faire hors réunion plénière.
Cette après-midi de discussion a mis en lumière le rôle de ces instances internationales, où les positions idéologiques émergent rapidement, quels que soient le contexte ou la problématique. Le bureau s’est livré a un très bel exercice de « diplomatie méditerranéenne », appuyé en cela par la délégation espagnole.
Jour n°2 :
Nous poursuivons notre compte rendu quotidien des échanges qui se tiennent dans le cadre de la COP 22. Le deuxième jour a vu se poursuivre l’analyse des projets de propositions par l’ensemble de l’assemblée. Parmi les sujets abordés, la proposition concernant le SAPBIO (Strategic Action Program for the conservation of BIOlogical diversity) a suscité une adhésion totale des Parties Contractantes à la Convention de Barcelone.
Sur le projet de proposition suivant, qui vise à la protection et à la conservation de la Méditerranée grâce à des systèmes bien connectés et efficaces d’aires marines et côtières protégées et d’autres mesures de conservation efficaces par zone[1], l’UICN ainsi que l’IOGP ont souhaité proposer des ajustements en estimant que certaines données présentes dans le projet de proposition leur paraissaient inexactes. Pour l’UICN, il s’agissait essentiellement de faire part des résultats d’une étude récente qui place sur la liste rouge de nouvelles espèces grandement menacées. Pour l’IOGP, il était question de pollution sonore d’origine militaire, un point d’attention que l’organisation souhaitait voir apparaitre dans le dossier final.
Les deux projets de propositions suivants portant d’une part sur « les lignes directrices pour la conduite de l’évaluation de l’impact environnemental » et d’autre part sur « la pollution marine provenant des navires » ont été adoptés sans modification, ni ajustement par les membres de l’Assemblée.
Concernant le projet de proposition de soutien du développement d’une économie verte et circulaire (IG.25/18), les remarques émises par la Turquie et l’UE se sont concentrées sur la syntaxe d’un passage de la proposition qui portait sur les plastiques à usage unique. La Turquie souhaitait remplacer le terme « d’interdiction » par celui « d’élimination », trouvant au second terme une caractéristique plus globale. Quant à l’UE, elle a proposé une formule alternative, « projet d’élimination », permettant selon elle de conserver la possibilité d’interdiction en tant que stratégie d’élimination. À noter que cette proposition est au stade embryonnaire et n’instaure pour l’instant aucune contrainte.
À la suite de cela, les points de désaccord soulevés la veille furent à nouveau soumis à l’analyse des parties contractantes, à commencer par le projet de proposition sur les boues d’épurations et eaux résiduaires. Ce fut un rude exercice de compromis, puisque dans la continuité des échanges de la veille, les discussions furent laborieuses tant les parties disposaient d’opinions divergentes sur le sujet. Pour rappel, l’essentiel du différend portait sur la mention « dans la mesure du possible » concernant l’installation, aux horizons 2025 et 2030, de stations d’épurations urbaines. Comme le jour précédent, Israël s’opposait aux pays arabes (Liban, Tunisie), également soutenu cette fois-ci par la délégation de la Bosnie-Herzégovine. Quand Israël évoque la nécessité de promouvoir une vision ambitieuse, ses contradicteurs rappellent les situations économiques et climatiques compliquées de certains territoires, ce qui peut constituer un frein majeur à l’atteinte de ces objectifs. Finalement, la mention sera conservée dans le document final mais son sens devra être clarifié dans le dossier relatif à l’échange ayant eu lieu concernant ce projet de proposition.
Comme chaque jour, la pause de midi est consacrée à la présentation de plusieurs actions/projets sous la forme de side-events. Ceux-ci sont encadrés par un chef de file qui veille à la complémentarité des présentations. L’AVITEM met cette opportunité à profit pour présenter, en 12 minutes, le travail accompli avec ses partenaires algériens, ceux du Ksar Tafilelt mais aussi de l’Université de Biskra. Le concept décrit vise à identifier des pratiques conduisant à la résilience urbaine, à les analyser scientifiquement et à en repérer les invariants dans un but de réplicabilité et de dissémination. Les présentations sont manifestement très appréciées.
La suite de la journée est assez morcelée. Censée restituer et adopter les conclusions de deux sujets centraux, le programme de travail 2022-2023 et le budget y afférent, ces sujets confiés à des groupes de travail n’avaient toutefois pas encore rendu leurs conclusions aux heures souhaitées. La session est donc ajournée au lendemain dans l’attente du retour des groupes de travail. Demain devrait également être le moment de publication de la « Déclaration d’Antalya », détaillant la position commune des ministres et des chefs de délégation des Parties contractantes à la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée (Convention de Barcelone) et à ses Protocoles. Traditionnellement, celle-ci s’appuie sur le rôle clé de la région méditerranéenne pour la richesse de sa biodiversité, de ses ressources naturelles et de ses liens historiques et culturels, ainsi que de l’importance des Conventions et Programmes relatifs aux mers régionales pour la mise en œuvre des stratégies et des programmes mondiaux. Demain devrait nous apporter plus de détails sur les engagements politiques et opérationnels des Parties à la Convention.
[1] Y compris les Aires Spécialement Protégées et les Aires Spécialement Protégées d’Importance Méditerranéenne
Jour n°3 :
Nous poursuivons notre compte rendu quotidien des échanges qui se tiennent dans le cadre de la COP 22.
En ce troisième jour devait se dérouler la session ministérielle. Ainsi, c’est M. Murat Kurum, Ministre de l’Environnement, de l’Urbanisme et du Changement climatique de la République de Turquie, pays hôte de cette COP 22, qui a ouvert les discussions de ce jour.
Ce dernier a, dans un premier temps, souhaité rappelé que la Méditerranée demeure le berceau de civilisations majeures, accueille une biodiversité faste et compte aujourd’hui sur ses rives 21 pays où résident plus de 500 millions d’hommes et de femmes. Dans un deuxième temps, il a rappelé les 4 menaces auxquels doit faire face le bassin méditerranéen et ses habitants : le réchauffement climatique, le terrorisme, les migrations de masse, ainsi que la pandémie actuelle. Enfin, M. Kurum a évoqué les conséquences du réchauffement climatique déjà remarquable en Turquie, tels que les incendies et les inondations qui ont frappé le pays un peu plus tôt dans l’année.
La matinée a continué avec l’intervention de Mme Joyce Msouya, Directrice exécutive adjointe du PNUE, puis ce fut au tour des jeunes élus d’Istanbul, lors des manifestations de la jeunesse, de venir présenter à l’Assemblée leurs vœux pour le développement durable et la préservation de la Méditerranée. Ils étaient trois à représenter la jeunesse méditerranéenne, originaires de Turquie, d’Espagne et d’Egypte, dans l’ordre de leur prise de parole. Parmi les souhaits émis, on trouvait la volonté d’établir un conseil permanent des jeunes en Méditerranée, le besoin d’accompagner les actions et les entreprises des jeunes méditerranéens car, comme ils le rappellent, « nous avons la volonté d’agir mais pas la possibilité » faisant ainsi référence à l’ensemble des freins à l’action caractéristiques de la jeunesse (manque de finances, de formations, etc). À noter aussi le vœu de renforcer les programmes d’échanges entre pays, en vue de renforcer l’identité méditerranéenne et la connaissance de ceux qui partagent la même mer.
Ensuite, Mme Tatjana Héma, coordinatrice du PNUE/PAM, a présenté les actions entreprises en faveur de l’environnement au cours du mandat précédent. Ce sont ensuite succédés un responsable du Secrétariat de l’ONU qui a tenu à rappeler le danger de l’acidification des océans et la Secrétaire Exécutive du CBD (Convention on Biological Biodiversity), Mme Elizabeth Maruma, qui a insisté sur le besoin de s’engager urgemment. Puis, Mme Anna Pirani de l’IPCC, est intervenue pour alerter l’Assemblée en citant la nouvelle étude produite par cette organisation notamment concernant la hausse du niveau des mers, variable en fonction de la hausse des températures. Ainsi, 2° de plus entrainerait une hausse de 6 mètres, et 3° une hausse de 24 mètres.
L’après-midi était destiné en premier lieu à la remise du prix Istanbul des villes respectueuses de l’environnement, dans le cadre de sa 3ème édition, à la ville espagnole de Malaga.
L’après-midi s’est poursuivie par l’intervention des délégations de chaque pays ou groupe de pays. Nous avons relevé l’allocution de l’UE qui a soutenu le besoin de faire passer un message fort rappelant que tous les pays avaient le devoir de se montrer exemplaires dans la lutte face au réchauffement climatique. L’UE a été par ailleurs l’une des seules délégations à valoriser le lien nécessaire entre la préservation de l’environnement, la justice sociale et la lutte contre toutes formes de discriminations, de genre comme ethnique.
La délégation française quant à elle, a d’abord rappelé qu’au sein du bassin méditerranéen la biodiversité affiche un déclin de 40% et qu’il faut prendre des mesures pour y remédier en s’appuyant notamment sur les solutions fondées sur la nature. La France a également souhaité rappeler le lancement du PAMEx, le Plan d’Action pour une Méditerranée Exemplaire, lors du Congrès mondial de la Nature de Marseille en septembre dernier, s’inscrivant ainsi dans la dynamique de l’UE qui consiste à montrer l’exemple au reste du monde. Ce plan d’action s’appuie pour cela sur 4 engagements centraux qu’il convient de lister :
- Préserver la biodiversité marine
- Gérer durablement les stocks de poissons
- Lutter contre la pollution et particulièrement la pollution plastique
- Promouvoir un transport maritime durable.
Enfin la France a conclu son allocution en mentionnant la très prochaine Présidence française de l’UE et en s’engageant sur un mandat centré sur la préservation de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. À noter aussi dans le discours français, le rappel de la tenue du Forum des Mondes méditerranéens qui se tiendra en février à Marseille.
Enfin la journée s’est conclue avec la présentation de la déclaration ministérielle d’Antalya par le secrétariat du PNUE/PAM,. Le budget pour l’exercice biennal 2022-2023, s’établit pour sa part à un engagement total de près de 15 millions d’euros.
Jour n°4 :
Ce 4ème et dernier jour de la COP 22 a démarré par l’annonce du pays hôte précisant que la prochaine COP se tiendra en 2023. Ainsi, la COP 23 se déroulera en Slovénie, dont la candidature a été, pendant un court instant, en concurrence avec celle de l’Égypte. Toutefois, dans une démarche de compromis, la délégation égyptienne a annoncé son soutien à la candidature slovène dans la mesure où l’Assemblée lui confirmait l’organisation et l’accueil de la COP 24. Pour résumer, la COP 23 se tiendra en Slovénie en 2023 et la COP 24 en Égypte en 2025.
Ces décisions prises, il fut temps de revenir sur les projets de propositions afin de les adopter et d’en faire des décisions. Ces projets de propositions avaient déjà été analysés, et pour certains ajustés, compte tenu des interventions des parties prenantes. La grande majorité des projets de propositions a été adoptée sans la moindre remarque des parties contractantes.
En revanche, le projet de propositions IG.25/4 portant sur « les études d’évaluation » a été désavoué par la délégation égyptienne, celle-ci précisant que la présence d’une carte sur la production de pollution azotée mettait en évidence la responsabilité principale de l’Égypte sur cet aspect. Selon la délégation égyptienne, cette carte présenterait des données erronées. Cette remarque figurera dans le rapport et l’Égypte fournira des informations récentes en ce qui concerne la pollution azotée qui viendront rectifier et mettre à jour ces données.
Le projet de propositions IG.25/14 a été lui aussi contesté par l’Égypte, la délégation égyptienne faisant part de son souhait de rejoindre l’annexe 6 de MARPOL, à l’exception toutefois du Canal de Suez et de sa zone d’attente. L’Union Européenne a rebondi sur cette demande, en rappelant qu’elle avait souhaité quelques jours plus tôt que cette volonté de la délégation égyptienne soit accompagnée par une carte. L’Égypte a validé cette demande de l’UE.
Après avoir adopté l’ensemble des projets de propositions, qui sont devenus à ce moment-là des décisions de la COP 22, le rapport a lui aussi été soumis à l’analyse des parties contractantes. Les discussions furent peu nombreuses, seuls quelques échanges entre la délégation égyptienne et la délégation de l’UE amenant à des modifications du rapport. Toutefois ces échanges ne portaient sur rien de remarquable, essentiellement sur la forme de ce qui était rapporté.
La COP 22 s’est conclu aux alentours de 18h, heure d’Antalya, par les mots du Président du bureau et sur une analogie concernant la longévité de la Tortue Caretta Caretta, emblème de cette COP 22. Selon les propos du Président, cette dernière vivrait longtemps car elle dort beaucoup, elle ne mange pas de viande, elle ne provoque pas de conflit qui la mettrait de mauvaise humeur et elle vit sur le mode de la lenteur. Une invitation à la sobriété et à la modération sans aucun doute.