Projet Bourj Hammoud 2021-2031 : ensemble pour un meilleur présent et futur
La Municipalité de Bourj Hammoud, au Liban, est engagée dans une transformation urbaine majeure de son territoire, soutenue par un projet de coopération décentralisée coordonné par l’AVITEM.
Une ambition à la hauteur des enjeux du territoire
La Municipalité de Bourj Hammoud, au Liban, porte une stratégie de renouvellement urbain durable, à la hauteur des défis multiples de son territoire, et trace les perspectives d’un avenir meilleur pour ses habitants, en amorçant les dynamiques et les leviers de la transformation du territoire.
D’abord imaginer puis commencer à réaliser la ville de demain : vers une éco-cité, une ville pour tous, une ville productive.
Une genèse urbaine marquée par l’hospitalité aux réfugiés
Jusqu’au début du siècle dernier, le site de Bourj Hammoud couvre essentiellement des zones agricoles et marécageuses, parsemées d’implantations humaines ponctuelles. Après 1928, des réfugiés arméniens ayant survécu à la persécution ottomane commencent à s’installer dans la région, dans des quartiers compacts organisés en quadrillage. Chacun d’eux est peuplé, à l’origine, par des populations issues d’un même village, dont il tire son nom.
Après 1945, une partie de la population retourne en Arménie, tandis que de nouveaux immigrés, attirés par les opportunités économiques de la capitale libanaise, affluent de zones rurales éloignées. Bourj Hammoud commence à attirer plus particulièrement des populations du sud, principalement des chiites et Palestiniens, qui s’installent majoritairement au sud-est de la ville (Nabaa). Dans les années 60, celle-ci connaît un afflux d’Arméniens de Syrie, principalement d’Alep, qui créent de nombreuses petites entreprises.
Entre 1975 et 1995, la ville connaît d’important mouvements démographiques en raison à la fois de la poursuite de l’exode rural et des différents conflits libanais, civils et régionaux, de la période, avec de premiers afflux majeurs de populations déplacées des zones de guerre (Arméniens, chrétiens et chiites). Une forte croissance de la population s’en suit, qui fait de Bourj Hammoud, un siècle après sa naissance, une des plus fortes concentrations résidentielles du Grand Beyrouth. La population de ce pôle commercial, industriel et artisanal en plein essor est alors estimée à (…) habitants.
Au cours des trois décennies qui suivent, deux nouveaux conflits libano-israéliens, en 2006 et depuis 2023, de même que la guerre en Syrie frontalière depuis 2011, vont susciter de nouveaux déplacements massifs de population — environ (…) au cours de l’année passée. Ils pèseront considérablement sur les conditions de vie et les perspectives d’avenir de la population, mais aussi sur les ressources, le fonctionnement et l’évolution de l’environnement urbain de Bourj Hammoud.
Une banlieue beyrouthine
Il est intéressant de considérer Bourj Hammoud dans une double relation urbaine et métropolitaine qui lui octroie une place et un rôle particulier, positif par certains aspects, négatif par d’autres.
Sur le flanc est de Beyrouth, Bourj Hammoud prolonge le linéaire portuaire de la capitale libanaise et son front de mer, fortement pollué, où se succèdent zone industrielle, port de pêche et une vaste décharge d’ordures ménagères à ciel ouvert… Celle-ci illustre particulièrement bien le rôle longtemps imposé par les autorités nationales et métropolitaines à Bourj Hammoud : le réceptacle d’infrastructures et équipements nuisants repoussés aux confins de la capitale.
Parmi eux, un compte une place très particulière : le système autoroutier de surface. D’un côté, c’est lui qui incontestablement, fait de Bourj Hammoud un carrefour métropolitain, un puissant pôle logistique et économique, notamment avec un secteur productif, industriel et artisanal ancestral, particulièrement développé. D’un autre côté, cette desserte et ces traversées se font au détriment d’un centre-ville haché par les axes de circulation. Notamment les liaisons avec banlieues sud, nord et est de la capitale, ou l’axe international Beyrouth-Damas, à travers la plaine de la Bekaa.
La ville est constituée de neuf quartiers : Shatiq-al-Bahri (zone côtière), Dora, Haret-Sader, Marashe, Nor Adana, Nor-Sis, Mar-Doumit, Nabaa, Ghilane.
Une approche partenariale et participative du projet
Le projet « Bourj Hammoud 2021-2031, ensemble pour un meilleur présent et futur » est co-financé par le Ministère français de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE) dans le cadre d’un programme de coopération décentralisée France-Liban.
Il est porté par la Municipalité de Bourj Hammoud, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Ville de Marseille et la Métropole Nice Côte d’Azur, membres du Groupement d’Intérêt Public AVITEM, ainsi que par Le Havre Seine Métropole, et coordonné, au plan technique, par l’AVITEM.
Le projet bénéficie de l’appui conceptuel et de la capacité d’étude des étudiants et professeurs de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) et de l’Université Libanaise (Faculté des Beaux-Arts et d’Architecture).
Certaines dimensions du projet, notamment opérationnelles, ont été pensées en étroite collaboration avec des agences locales de l’ONU — UN-Habitat et Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) – et certaines associations locales, qui en assurent le relais opérationnel sous la conduite de la municipalité.
Ce projet est également le fruit d’un effort collaboratif au niveau local, qui a déjà intégré les acteurs économiques, sociaux et culturels, dans une démarche d’aménagement territorial participatif et pourrait s’ouvrir à l’avenir, si l’apaisement du contexte le permet, à la participation citoyenne.
La coopération internationale à double dimension
Initié dans le cadre d’un programme de coopération décentralisée France-Liban porté par le MEAE, le projet de développement stratégique de Bourj Hammoud s’inscrivait initialement dans cette seule perspective.
La municipalité de Bourj Hammoud devait bénéficier à ce titre de l’appui technique du groupement dirigé par l’Avitem et des retours d’expérience des collectivités françaises membres de l’association. La dynamique de projet ouverte et participative qui a été développée dès l’origine pouvait néanmoins difficilement faire abstraction des diverses initiatives de coopération ou d’assistance internationale déjà à l’œuvre sur place.
Réciproquement, les acteurs extérieurs de premier plan comme UN Habitat et l’UNOPS n’ont pas manqué de faire connaître leur intérêt pour la démarche de la collectivité appuyée par l’Avitem, qui offrait de nouveaux cadres de cohérence et de projection à leurs propres programmes. Formellement, cette convergence partenariale s’est opérée naturellement dans un Comité de pilotage qui a permis le partage d’information entre les différents porteurs de projet, le réajustement collaboratif de certaines visions stratégiques ou d’autres perspectives de projet opérationnelles.
Faire projet en temps de crise
Au cours du demi-siècle passé, les phases de paix et de prospérité du Liban ont été hélas rares. Ce qui domine l’histoire récente du pays, répercutée en particulier à l’échelle de Bourj Hammoud, de sa population et de ses municipalités, ce sont les crises. Crises politiques, sociales et confessionnelles, économiques, écologiques, locales et internationales… Toutes ont eu des impacts considérables et durables sur la population, la ville, les pouvoirs publics. Et enfin, les guerres avec leur cortège de peurs, d’atteintes physiques et psychologiques, de dislocation des familles et de la société… et pour conséquences l’aggravation des autres crises, de nouveaux déplacements de populations et mouvements de réfugiés.
Le projet « Bourj Hammoud 2021-2031, ensemble pour un meilleur présent et futur », dont l’intitulé sonne comme un défi dans cette période, a été lancé délibérément malgré la crise aiguë économique et financière, il est maintenant rattrapé par un conflit régional et la crise syrienne.
L’initiative première pouvait apparaitre paradoxale d’un point de vue extérieur. Elle ne l’était pas pour deux raisons. Parce que, du point de vue politique de la collectivité, il fallait bien à un moment tenter de reprendre la main sur le cours des choses et l’évolution de la ville. Parce que la philosophie du projet stratégique s’attachait concomitamment à apporter des solutions concrètes aux problématiques actuelles – celles auxquelles les populations sont immédiatement sensibles – en même temps qu’elles tentaient de construire un avenir plus durable, perspective plus difficile à appréhender lorsque domine l’angoisse du lendemain.
Le déclenchement d’un nouveau conflit a surpris et atteint Bourj Hammoud d’autant plus, sans doute, que toutes les traces des précédents ne sont pas véritablement effacées. Et pourtant, la municipalité a choisi de poursuivre l’élaboration du projet stratégique jusqu’à son terme et de préparer ses développements opérationnels – tant que cela était matériellement possible – en partant du principe précédemment établi. Tant que le projet relie dans ses réponses, le présent et le futur, il est légitime de le construire et de le mettre en œuvre pour le bien de la population et de son avenir.
Deux étapes d’élaboration du projet stratégique : l’Atelier et la Fabrique
L’élaboration du projet « Bourj Hammoud 2021-2031, Ensemble pour un meilleur présent et futur » est structurée initialement en deux étapes : l’Atelier (2021-2023) et la Fabrique (2024-2025), toujours en cours. La crise sanitaire du Covid 19 comme les récents conflits régionaux ont eu des incidences certaines sur son déroulement, mais sans jamais totalement l’interrompre grâce à l’engagement déterminé de l’ensemble des parties prenantes.
L'Atelier et les engagements prioritaires
L’Atelier s’est consacré à établir des bases solides pour le projet à travers un diagnostic partagé avec les acteurs locaux, notamment économiques, puis la définition collective des orientations fondamentales de la future stratégie urbaine. La dynamique partenariale constituée entre la municipalité de Bourj Hammoud, le groupement technique de coopération internationale conduit par l’Avitem et les forces vives du développement local s’est construite à travers des échanges bilatéraux permanents entre les deux premiers, et d’importants temps d’ouverture à la société civile, lors d’ateliers consultatifs du « Forum Ouvert » et de webinaires thématiques.
Assez rapidement, et de manière consensuelle, trois champs de préoccupation se sont dégagés :
- la primauté de la transition écologique porteuse de solutions d’avenir et non génératrice de contraintes ;
- l’impératif de la cohésion sociale et d’une amélioration générale des conditions de vie à travers une capacité d’intégration et de mixité sociale renforcée ;
- la volonté de relance de l’économie productive et circulaire, notamment artisanale.
Ces trois ancrages politiques de la réflexion stratégique ont été formalisés dans un premier document, l’Avant-projet, et synthétisés dans une formule triptyque : une éco-cité, une ville pour tous, une ville productive.
Quatre engagements prioritaires
Conscientes de la démesure de l’ambition de ce cadre d’action, mais sans en renier pour autant la nécessité, les parties prenantes se sont immédiatement attachées à retraduire chacune des composantes de celui-ci en quatre engagements prioritaires et leurs déclinaisons opérationnelles.
Tous témoignent de la préoccupation intrinsèque du projet stratégique de Bourj Hammoud qui se refuse à dissocier les réponses aux besoins immédiats et les évolutions structurées de long terme :
- Réhabilitation du centre ancien
La revitalisation du cœur de ville se joue sur trois terrains imbriqués : le réinvestissement et la valorisation de l’espace public dans un tissu d’une exceptionnelle densité, le développement de modèles alternatifs d’habitat abordable, la redynamisation du secteur commercial et artisanal. Pour ce dernier, une réflexion sur l’usage productif de l’espace public et un projet opérationnel d’une Maison des arts et de l’artisanat du Grand Beyrouth sont engagés.
Revitalisation du centre-ancien – Livret d’intentions 2024 - Production d’énergie renouvelable
La crise énergétique qui mine le Liban a des répercussions directes sur le quotidien de la population : pénuries d’électricité à répétition, pollution des générateurs à énergies fossiles du secteur informel… Il s’agit de réorienter le secteur d’activité local vers la production d’énergies renouvelables et d’assurer la transition écologique et économique, tout en intégrant les contraintes du cadre étatique.
Production d’énergies renouvelables – Livret d’intentions 2024 - Gestion durable des déchets
Face à une situation critique sur le plan urbain et environnemental de la gestion des déchets ménagers et industriels, il s’agit de privilégier avec ambition une approche écologique concrétisée par des dispositifs territorialisés de collecte, de traitement et de recyclage en économie circulaire.
Gestion des déchets – Livret d’intentions 2024 - Gestion des eaux et la renaturation
Dans un contexte urbain aussi dense, artificialisé et pollué que l’est Bourj Hammoud, il s’agit de repenser globalement la gestion des eaux de pluie par la renaturation, l’absorption et la filtration et de lutter parallèlement contre les effets d’îlots de chaleur.
Renaturation – Livret d’intentions 2024
La Fabrique, Plan stratégique et déclinaisons opérationnelles
La Fabrique est une phase de formalisation, de validation politique et d’approfondissement des orientations stratégiques et prioritaires définies dans l’Avant-projet. Elle se caractérise par :
- l’organisation d’une Consultation internationale d’urbanistes dont l’équipe lauréate, l’agence (APM) Architecture & associé groupée aux concepteurs libanais Serge Yaziki et Salim Abou Risk, aura pour tâche de spatialiser le Projet stratégique définitif et définir les projets prioritaires programmés ;
- la production de plusieurs documents stratégiques et opérationnels : Plan stratégique de renouvellement urbain, Programme pré-opérationnel, Charte des espaces publics, plateforme technique open data …
Plan stratégique
Le Plan stratégique matérialise toutes les composantes fondamentales de la ville, mises en cohérence et situées physiquement dans le territoire communal et à l’échelle métropolitaine. Il inscrit également les principales étapes de sa transformation au cours de la prochaine décennie.
Le Plan stratégique se concrétisera particulièrement dans le Programme pré-opérationnel, un programme d’actions précisant les modalités de mise en œuvre à court terme de premiers projets opérationnels (pilotage, financement, programme, calendrier), et concrétisant les quatre orientations prioritaires retenues : la réhabilitation du centre ancien ; la gestion des déchets, la gestion des eaux et la renaturation, la production d’énergie renouvelable.
La Charte des espaces publics
Produite avec le concours des Universités locales, la Charte vise à poser les cadres de l’évolution des espaces publics de Bourj Hammoud (voies, places, promenades, parkings…) afin de penser leurs usages, leur confort et leur sécurité sous l’angle de la transition écologique (lutte contre le réchauffement climatique, gestion de l’eau et des déchets, renaturation…).
Plateforme technique open data
La constitution de la Plateforme technique open data pour la commune de Bourj Hammoud répond, elle, au besoin crucial d’asseoir les réflexions stratégiques et les processus opérationnels sur une base de connaissances statistiques et cartographiques complète et actualisée des réalités urbaines de la commune. Au-delà des phases de projet, la base de données informatiques géolocalisées favorisera, par la suite, la coordination des projets et des interventions des services techniques de la ville et l’ensemble des professionnels et organismes d’aménagement urbain.
La Consultation internationale d’urbanistes
Lancée en avril 2023 par l’AVITEM, la Consultation internationale se destinait à des groupements pluridisciplinaires (urbanistes, architectes, paysagistes, écologues, et hydrologues). Son objectif essentiel était de donner corps — à travers un ensemble de livrables — au Plan stratégique, en en articulant et spatialisant les orientations, notamment celles prioritaires, et en en définissant différentes déclinaisons de projet opérationnel.
L’agence (APM) Architecture & associé à la tête d’un groupement multidisciplinaire franco-libanais a été sélectionné à l’issue des délibérations d’un jury composé d’élus et techniciens de plusieurs collectivités membres de l’Avitem.
À partir de juillet 2024, (APM) Architecture & associé a pu délivrer un certain nombre d’analyses complémentaires à celles déjà formulées localement ainsi que des propositions méthodologiques. Ses premières réflexions se sont développées parallèlement à différentes échelles territoriales et urbaines, des plus larges, métropolitaines, aux plus restreintes, à l’image d’une sélection d’îlots démonstrateurs, briques de base de la structure urbaine. C’est à ces différentes échelles que se structurent les différentes orientations thématiques du projet – particulièrement les quatre orientations prioritaires — et que s’organisent leurs interactions et leurs lectures transversales.