La chaleur devient un sujet prioritaire et un enjeu sanitaire dans les villes méditerranéennes. A l’horizon 2050, on estime que les vagues de chaleur vont doubler, tandis qu’à l’horizon 2100, l’augmentation de la température en France pourrait atteindre +4 °C. On parle alors d’un urbanisme de « survie ».  

La chaleur urbaine, un sujet complexe et transversal

La question de la chaleur urbaine se situe à l’intersection de plusieurs échelles, projets, métiers, et systèmes d’acteurs également complexes. Pour traduire les données en actions concrètes, une politique volontariste et démonstrative est nécessaire.

À Cuers, dans le département français du Var, ville pilote dans la mise en œuvre d’une « ville basse température », de nombreuses initiatives ont été mises en œuvre : ombrières par des voiles dans la rue commerçante principale, enrobé clair pour les trottoirs, débitumisation des pieds d’arbres, et plantation de plus de 70 arbres. Résultats, à l’été 2024 : -35 °C de température au sol sous les ombrières par rapport au sol en plein soleil, -15 °C pour les enrobés de couleur claire, une plus grande sensation de fraîcheur dans la ville, et une reconnaissance de la qualité paysagère de son patrimoine végétal.

Pour accompagner les collectivités française, l’ADEME a mis en place l’outil d’aide à la décision « Plus fraîche ma ville ». Très intuitif, cet outil permet de calculer rapidement les coûts et bénéfices de la mise en œuvre d’une initiative.

Les individus au cœur des dispositifs

La question de la chaleur urbaine relève de la santé globale de la population. Il s’agit donc, selon le chercheur Franck Taillandier de l’institut INRAE, de créer des communautés pour répondre à la question des usages et confronter les imaginaires : quelles sont les envies de la population locale ? Leurs besoins ? Leurs peurs ?  

Cet expert renvoie aux résultats de leur analyse socio-économique démontrant les inégalités liées à la chaleur. De la même manière que l’accès à des espaces verts, on note une différence socio-économique entre les plus hauts revenus et les plus bas revenus et l’accès à des lieux de rafraîchissement. La chaleur apparaît ici comme un enjeu social. 

Les enjeux de chaleur touchent aux perceptions générales de l’usager dans l’espace public. Les travaux de la psychologie environnementale renseignent ainsi sur la pluralité de critères procurant du bien-être : sécurité, bruit, etc.  

Des projets pilotes, porteurs de l’adaptation au changement climatique

Les cours d’école sont des projets considérés comme exemplaires. Agissant comme des micro-sociétés, les usages au sein des cours d’école sont parfois conflictuels. En intégrant les besoins des enfants, les peurs des parents et enseignantes (notamment autour de l’utilisation des copeaux de bois et des accidents possibles), les cours d’école peuvent redevenir des lieux de coopération et de jeux et montrer les possibles d’une société plus juste. En 2024, le CAUE a accompagné 15 projets de désimperméabilisation de cours d’école et le Département est intéressé par déployer cette ambition pour l’ensemble des 71 collèges du Var. 

Le projet Cool Noons, porté par l’AVITeM, propose d’améliorer le confort thermique de nos villes aux heures les plus chaudes. Pour ce faire, 9 partenaires œuvrent pendant 33 mois à un travail fin de nos espaces et nos usages urbains pour favoriser la fraîcheur. Ce projet pilote prend place dans cinq villes méditerranéennes : Marseille, Lisbonne, Imola, Budva et Dubrovnik, toutes des villes touristiques et confrontées à des chaleurs extrêmes l’été. Différents dispositifs sont pensés : des solutions basées sur la nature de renaturation de l’espace public à l’instar de corridors écologiques, des solutions de design d’ombrage comme des voilages ou des canopées, des solutions aqueuses comme des fontaines et des cartographies des points d’eau potable dans la ville, une revalorisation du patrimoine bâti aux intérieurs climatisés, … Un projet à suivre !  

L’écosystème holistique de la ville dans la nature

Un changement de paradigme apparaît nécessaire pour adresser la question de la chaleur urbaine : l’être humain/urbain fait partie de la Nature. 

L’architecte Julio Jiménez, originaire du Costa Rica, rappelle le paradigme sous-jacent qui régit la pensée territoriale en Occident : l’homme se conçoit maître et possesseur de la Nature. Il propose de sortir du tout ingénierie et d’opérer un changement culturel. 

Inspiré par les travaux d’Alberto Magnaghi, il souligne la nécessité de penser le projet local à partir de la matière bio-géo-climatique, en symbiose avec la nature et la saisonnalité. Selon lui, des solutions simples, peu coûteuses et faciles à mettre en œuvre peuvent être conçues si elles s’inspirent de la Nature. 

Régénérer nos écosystèmes urbains dégradés pour répondre à la chaleur en ville

eTrois composantes sont essentielles aux écosystèmes urbains selon Agnès Hennequin, de l’Agence Régionale de la Biodiversité : le sol, l’eau et le végétal. 

Le sol, dans sa capacité ou incapacité à retenir l’eau de pluie, à être un sol vivant, en bonne santé. L’eau qui doit retrouver son cycle naturel avec infiltration à l’arrivée, ralentissement de son écoulement et gestion de pluie à ciel ouvert.  

Le végétal doit aussi être pensé de manière écosystémique, c’est-à-dire, sous la forme d’une strate de végétation en bonne santé, dans des couloirs écologiques.