L’alimentation comme marqueur d’une identité culturelle et pédagogie du bien manger

Le projet FEAST vient d’achever sa première année. Durant ces premiers mois, deux territoires partenaires ont pu présenter leurs actions, démarches et politiques aux autres acteurs du projet, mais également à leurs habitants : la ville de Marseille et la commune d’Arghjusta è Muricciu.

Ces deux premières rencontres ont d’ores et déjà permis de faire apparaître des thématiques de convergence entre nos partenaires. Parmi elles, une se démarque par son importance et son universalité : la question de l’alimentation.

Des territoires que tout oppose, et une conviction commune

A première vue, la ville de Marseille et la commune d’Arghjusta è Muricciu semblent être en tout point opposées : la première est une ville de 877 000 habitants, la seconde, un village de 86.

Pourtant ces deux territoires partagent une même conviction forte : faire de l’alimentation un puissant levier d’action pour enclencher des transformations durables, aussi bien dans les comportements que dans les synergies de nos territoires.

Pour s’emparer de la question alimentaire dans sa grande complexité – de la fourche à la fourchette – il est nécessaire d’impliquer l’ensemble des personnes mobilisées. C’est d’abord tout un secteur économique qui est concerné, avec les questions de production, transformation, transport, distribution etc. Mais l’impact est loin de s’arrêter là.

Parler d’alimentation, c’est aussi parler de paysages, de terroirs et d’écosystèmes.

C’est interroger la manière dont les territoires sont façonnés, par celles et ceux qui les cultivent, mais aussi le bon fonctionnement des équilibres naturels qui s’y développent. L’alimentation devient alors un outil pour penser la relation entre activités humaines et environnement.

Enfin, parler alimentation, c’est se questionner sur toute la population d’un territoire. Nous sommes tous consommateurs, la question devient alors : comment offrir des produits de qualité à des prix accessibles à tous ? Comment encourager des comportements alimentation plus sain et plus respectueux de l’environnement ? Et surtout, comment tendre vers ce qui se rapproche le plus d’une égalité dans notre droit au bien manger.

Comprendre l’histoire pour imaginer l’avenir de notre alimentation

Entre Marseille et Arghjusta è Muricciu des convergences se sont ainsi dessinées à travers le projet FEAST. Les deux communes partagent notamment la même envie de retracer l’évolution des régimes alimentaires locaux et ce qu’ils racontent des territoires et des terroirs, des histoires et des cultures locales, des sociétés qui s’y développent. 

En effet, comme nous le rappelle l’historienne Judith Aziza, comment imaginer le futur de notre alimentation si nous peinons à en comprendre l’histoire ?

La culture culinaire apparaît ainsi comme une mémoire vivante d’un patrimoine, témoignant de rencontres entre différentes civilisations, d’un rapport à un territoire et d’une accessibilité à la ressource, mais aussi, de savoir-faire et de coutumes particulières.

Apparaît en ce sens la nécessité, d’autant plus accrue dans notre société mondialisée, de défaire les mythes et stéréotypes accompagnant parfois les identités alimentaires : non, les Marseillais ne se nourrissent pas exclusivement de bouillabaisse, et les Corses de figatelli et de tomme.

Comprendre une culture culinaire, c’est en saisir toute la richesse et la diversité.

Il faut rendre compte des cultures culinaires dans leur entièreté si l’on veut comprendre les identités que celles-ci peuvent porter.

Transmettre, éduquer, éveiller dès le plus jeune âge

La question de la transmission, mais aussi de l’éducation à l’alimentation auprès des plus petits, à même de découvrir facilement de nouvelles saveurs, tient son rôle dans cette préservation des cultures culinaires.

Ce sont les plus jeunes qui ont aujourd’hui le pouvoir d’impulser pour tous de nouvelles habitudes et connaissances, renouer avec des traditions qui pourraient se perdre, mais aussi avec la dimension de plaisir qui va avec l’alimentation (et non pas seulement fonctionnelle, nutritive, diététique).

Ou enfin en participant à maintenir des pratiques agricoles sur le sol de nos territoires – le souligne Vanina Lari, enseignante à l’Université de Corse Pasquale Paoli.

Vers une restauration engagée et inclusive

L’alimentation est un besoin primaire, indispensable à la vie et à la bonne santé. Consommer des produits sains et cultivés sans produits toxiques est une priorité, mais cela ne s’arrête pas là. De nombreux chefs se mobilisent désormais dans la création d’une restauration militante.

C’est le cas du chef Sébastien Richard pour qui la question ne fait plus débat : la carte du restaurant de demain sera inclusive, sensorielle et interculturelle.

Les menus y seront pensés dans le respect de la saisonnalité et de la localité des produits, et ce non pas comme des contraintes, mais bien comme une opportunité de retrouver le vrai goût des aliments, de revendiquer la mise en avant de certains produits oubliés.

Ces menus proposés devront pouvoir inclure les positionnements éthiques comme les convictions religieuses de chacun, et ce, sans forme de discriminations. Il s’agit ici de s’adresser au ventre, au cœur et à la tête. 

La carte de demain, récit d’un territoire

Par ces positionnements, la carte de demain peut ainsi raconter une histoire, celle d’un territoire, de son terroir et des aliments qu’il produit, celle de pratiques agricoles et des contraintes qui les façonnent, mais aussi celle de ses consommateurs, dans leur diversité et leur pluralité. 

Il s’agit ici de raconter l’éducation à l’alimentation au sein de structures de restauration qui deviennent lieu de lien, de transmission et de transformation sociale.